Qu'est-ce que la vérité

Commençons par rappeler les banalités à ce sujet, avant de mentionner quelques remarques un peu moins banales.
La vérité, c'est, le fait pour une idée ou un système d'idées d'être une image (assez) fidèle d'une partie du monde réel, c'est-à-dire d'admettre une correspondance avec celui-ci suivant une bonne approximation et qui prolonge les perceptions directes. Il y a aussi les vérites mathématiques qui ne concernent que la question de la cohérence interne d'un système d'idées; mais on peut d'une certaine manière considerer celles-ci comme se rapportant à un certain monde indépendant de notre "monde exterieur", à savoir celui de tous les systèmes d'idées possibles et de leur cohérence. Or, inversement, pour pouvoir parler de la véracité d'un système d'idées comme correspondance à une réalité, il faut d'abord que si ce système d'idées "existe" en lui-même, autrement dit qu'il ait au moins une assez bonne cohérence interne qui lui permet de formuler des énoncés sans leur contraire au sujet du monde réel.
Ensuite, on affine la question en précisant de quelle réalité il s'agit. Il doit s'agir d'une réalite qui offre des moyens directs ou indirects d'être perçus. Des moyens indirects, ce sont des rapports de causalité entre ses élements qui finalement les connectent logiquement à des éléments observables, ou du moins sont d'un type de choses ayant au moins parfois, suivant les circonstances, la possiblité d'être ainsi relié logiquement aux éléments observables.
La vérité n'a de "sens" qu'à travers cette relation, au moins parfois possible, avec les observables. Non qu'il n'existe pas d'autres vérités concernant d'autres univers, mais ces vérités-la ne pouvant pas nous concerner, ne peuvent donc pas être regardées comme vérités pour nous. Cette relation de "sens" entre idées et réalité observable, consiste précisement en le fait que ce système d'idées définit une certaine mesure de "cohérence" entre les perceptions, telle que les perceptions effectivement obtenues sont ainsi trouvées beaucoup plus "cohérentes" vis-à-vis de cette conception donnée, que la plupart des autres séries de données hypothétiques tirées au hasard en guise de résultats des mêmes mesures. Et plus une conception se trouve ainsi en accord avec les observations, plus elle est "vraie".
Alors, les éléments constutifs du système d'idées pourront être considérés comme "réels" dans la mesure ou ils s'avèreraient des intermédiaires conceptuels indispensables à la formulation logique de cette mesure de cohérence.

(C'est essentiellement la meme explication que j'ai présenté dans mon texte de physique, section "Qu'est-ce que la physique mathématique")

Passons à des remarques, qui, bien que devant être également banales, semblent hélas être moins bien connues d'un nombre significatif de gens (en particulier les chrétiens évangéliques).
La vérité, c'est qu'il n'y a pas une seule vérité standardisée que tout le monde devrait être obligé d'avaler à l'identique comme une lecture de la Bible, mais qu'il y a potentiellement autant de vérités qu'il y a de questions possibles qu'on voudra se poser, c'est-à-dire une quasi-infinité (sans donc que ces vérités ne se contredisent pour antant), questions au sujet de chacune desquelles il peut éventuellement y avoir une vraie réponse, avec d'autant plus de chances que la question est formulée assez précisément. Cela est dû au fait que le réel est tres vaste et complexe, beaucoup plus complexe avec beaucoup de parties, que ce qu'une seule personne normale peut facilement imaginer, de sorte qu'après avoir trouvé la vérité sur certaines choses, il se trouve d'autres choses qu'on ne connaît pas encore.
Suivant les cas, les vraies réponses peuvent être très compliquées, voire même parfois trop compliquées pour que l'intelligence humaine puisse les porter. Ou encore de la forme "Il n'y a pas de généralité de ce point de vue, tout dépend des cas particuliers". Une bonne réponse doit avoir l'obligeance d'être au moins assez claire et non ambigüe pour avoir un sens, autrement dit pouvoir assez précisément se rapporter au réel. Il ne faut pas se fier aux impressions: la simplicité n'est nullement un bon critère de clarté. Et la facilité de compréhension naïve n'est même pas non plus un critère de véritable simplicité. Il arrive parfois à la verite d'être simple (en première approximation), d'autres fois d'être compliquée. Ce n'est pas à nous de le décider.
Quant à la question des méthodes les plus fiables pour découvrir avec le plus de précision la vérité sur chaque question non triviale qu'on pourra se poser, mon expérience m'a amené à conclure que la démarche rationnelle et scientifique, menée avec suffisamment d'intelligence, s'est généralement avérée très largement la plus fiable de toutes celles qu'il soit arrivé aux humains de tenter.

Comme je disais, personnellement, il y a des questions auxquelles j'ai commencé à répondre, comme: comment aborder au mieux les fondements des sciences mathématiques et physiques de niveau supérieur. C'est tout-à-fait une vision du monde, même si je conviens qu'elle n'intéressera qu'une partie des gens. Tout le monde n'est pas obligé de se poser cette question. D'autres se poseront d'autres questions et ils auront raison.
Il y a une question particulièrement importante, qui est : comment pouvons-nous accomplir au mieux la mission de notre vie ? Et bien justement là encore, la réponse c'est que tout le monde n'est pas venu accomplir la même mission. Parce que si plusieurs personnes étaient venues accomplir la même mission, il vaudrait mieux les remplacer par des robots qui répéteront la même chose. Le propre des expressions de l'esprit c'est justement qu'elles sont toujours nouvelles.

Surtout, n'oubliez pas, quand vous cherchez la vérité: plutôt que de vouloir d'emblée, tête baissée, une vérité absolue et universelle pour trivialement achever Dieu et l'univers, vous devriez au moins avoir l'obligeance de préciser la question à laquelle vous voulez que réponde la vérité que vous recherchez. Commencez donc par chercher le plus précisément possible quelles sont les questions que vous vous posez et pour lesquelles vous espérez une réponse. Sinon, vous risquez de vous retrouver dans la situation de cette histoire d'une civilisation qui possédait la réponse à l'ultime question de la vie, de l'univers et du reste, mais à qui il manquait la connaissance de la question.

Ce problème, du fait qu'avant de chercher la plus vraie réponse il est essentiel de chercher et découvrir quelle est la question, est un problème très important auquel on peut trouver de nombreuses illustrations; en voici une qui me semble particulièrement significative: il y a déjà un certain nombre d'années, des gens ont cherché à développer une monnaie électronique. Et il y a David Chaum qui a mis au point tout un nouveau système cryptographique, qu'on peut voir très intéressant intellectuellement, et qu'il considérait comme étant LA réponse à la question ultime de la monnaie électronique.
Personnellement, j'ai indépendamment beaucoup réfléchi à la question de la mise au point d'une monnaie électronique, et j'en suis arrivé ainsi à développer une nouvelle théorie, qui n'a rien à voir avec le concept de David Chaum.
Un jour, en voyage, j'ai proposé de faire une présentation à des étudiants sur ma théorie pour une monnaie électronique. Aucun étudiant n'est venu, et j'ai eu écho que c'est parce que, d'après eux, ils avaient déjà vu ça en cours. En fait on leur avait exposé les concepts de David Chaum. Et ce qu'ils ne savaient pas, c'est que ce que je voulais leur expliquer n'avait absolument rien à voir avec ce dont ils avaient entendu parler. En effet, ma réponse à la question ultime de la monnaie électronique, n'a rien à voir avec la réponse de David Chaum à la question ultime de la monnaie électronique, pour la bonne raison que ce que je regarde comme question ultime de la monnaie électronique, n'a rien à voir avec la question que s'était posé David Chaum sur la monnaie électronique. Et à mon sens, sa réponse était une réponse à une mauvaise question, une question qui n'aura pas lieu d'être dans le meilleur système monétaire électronique que j'envisage. Bilan: ils sont passés à côté de la bonne réponse, parce qu'ils faisaient fausse route au sujet de la question.
Et c'est encore le même problème qui se poursuit avec le projet Ripple: ils continuent de se perdre dans leurs recherches de réponses aux mauvaises questions.

Critique des doctrines "spiritualistes" orientales de la connaissance

Bien des maîtres spirituels orientaux prêchent la démarche spirituelle à coups de méditation et autres en vue d'atteindre la connaissance, la clarté de vue, l'illumination.
Problème: de leur propre chemin de connaissance, ces gourous n'ont guère su ramener d'autre connaissance que la connaissance de comment atteindre la connaissance. Mais au nom de quoi comptent-ils donc sur leurs disciples pour en tirer enfin d'autres vraies connaissances enfin utiles qu'ils n'auraient su eux-mêmes développer par leurs méthodes ? Dès lors, leur propre prétention à avoir atteint la connaissance est purement arbitraire et invérifiable. Si leurs méthodes permettent d'obtenir des connaissances effectives, alors, qu'ils les pratiquent eux-mêmes et nous montrent le résultat !Jusqu'ici, ça n'a quasiment rien donné d'utile à l'humanité. De plus, au vu de leur propre exemple, cela impliquerait qu'il n'y aurait pas de connaissance plus grande et plus intéressante à découvrir dans l'univers que celle de comment atteindre la connaissance, laquelle étant elle-même réduite à quelques préceptes assez triviaux, toute cette connaissance universelle s'avère en fin de compte d'un ennui mortel.

En fait, une connaissance ne peut être authentique que dans la mesure où elle a des objets, et où elle décrit effectivement bien ceux-ci; et le meilleur moyen de transmettre une connaissance consiste à transmettre le contenu de la connaissance (la description qui a été découverte des objets), laissant à chacun le loisir d'animer en lui-même cette connaissance s'il en est capable, à l'aide des informations fournies. Or, cette capacité elle-même à faire vivre en son esprit la connaissance, au-delà des éventuelles informations fournies sur les objets, est une chose bien peu transmissible, qui ne saurait faire l'objet d'enseignement que seulement de façon marginale. En fait, nombreux sont ceux qui sont incapables de connaissances appréciables, et à cela il n'y a pas de remède hors méthodes eugéniques. L'idée même d'une doctrine de la connaissance, au sens de choses à dire uniformément utiles à tous pour les aider dans leurs quêtes de connaissances, est une absurdité. La connaissance est naturelle ou elle n'est pas. La démarche scientifique, aussi commune et nécessaire qu'elle soit, peut certes être un objet d'enseignement, mais ce d'une manière qui n'en fait pas en soi un centre d'intérêt très spécial; elle est d'autant mieux comprise et employée qu'elle est implicitement redevinée par chacun au cours de leurs apprentissages et pratiques de la science actuelle, sans qu'il y ait forcément eu besoin de la formuler, et les déviances par rapport à elles proviennent en fait le plus souvent d'erreurs sur la description des objets, plutôt que de fautes sur la démarche elle-même. Non qu'elle ne soit pas importante - en fait, elle l'est effectivement - mais sa pratique est souvent d'autant meilleure qu'elle est naturelle et intériorisée. Autrement dit: même si ce n'est pas une loi générale, ceux pour qui c'est une faculté naturelle ont souvent de meilleures chances de mieux la pratiquer, que ceux qui ont besoin qu'on la leur explique,
Certains gourous s'étendent aussi sur la question du rôle du gourou, et de l'alternative entre la recherche individuelle ou celle dans le cadre d'un mouvement spirituel avec son enseignant (gourou). Or, c'est là une des questions les plus vaines et absurdes qu'il soit. La connaissance se caractérise par son contenu, et est incomparable à la question des méthodes adéquates pour l'obtenir, lesquelles dépendent trop des circonstances (dont en particulier l'état des connaissances du gourou, hélas très souvent lamentable sous des apparences contraires bien soignées au fil du darwinisme culturel) pour faire l'objet d'énoncés généraux. Plus précisément, le mieux est toujours d'avoir soi-même la capacité de se débrouiller, néanmoins on ne peut pas soi-même tout réinventer: il faut bien souvent prendre appui sur un certain patrimoine de connaissances collectivement acquises.

Ce que je viens d'écrire ici n'est que trivialité, ou du moins devrait l'être, et la prolifération de certains enseignements contraires en est d'autant plus regrettable.

La tentation anthropocentrique

Autre travers de la spiritualité: bien des gens se croient en droit d'assigner implicitement à la vérité des obligations d'ordre moral, qui à première vue sembleraient bonnes et irréprochables, du type "ce serait bien le diable si ça n'allait pas ainsi", pour l'amour de Dieu ! mais il ne s'agit en fait que d'une manière de céder à la tentation d'une approche anthropocentrique de la vérité. Le tort ici se produit lorsqu'on va employer ces caractères attendus, dignes d'être espérés, en guise de critère de reconnaissance de la vérité, ce qui fait finalement obstacle au travail de discernement véritable qui serait nécessaire pour approcher la vérité. Ces tentations de croyances anthropocentriques sont celles qui assigneraient à la vérité une ou plusieurs des obligations suivantes (sans prétention d'exhaustivité: quelqu'un en voit-il d'autres ?):
Quel est le tort ou l'anthropocentrisme là-dedans, demanderez-vous ? Eh bien, si vous ne voulez pas céder à l'anthropocentrisme, essayez donc de remplacer ci-dessus "l'homme" par "le chimpanzé" et vous m'en direz des nouvelles.
En réalité on ne doit pas assigner d'autre obligation à la vérité que celle d'être ce qu'elle est.
Ainsi, les Bouddhistes se fendent d'une prétention à invoquer des "Nobles Vérités". Prétendre assigner des titres de noblesse à des vérités est un non-sens, qui en définitive aboutit à faire obstacle à la connaissance véritable. Car lorsque des Nobles Vérités s'avèrent en définitive être fausses, quelle peut être encore la valeur de leur noblesse ?

La tentation simpliste

Nous l'avons déjà évoquée plus haut: au prétexte que la vérité doit être claire (en elle-même), les gens sont tentés de confondre la vérité avec les idées qui leur paraissent simples (suivant leurs habitudes). C'est bien là une obligation anthropocentrique: bien des spirituels assignent à la vérité l'obligation, officiellement d'être simple, mais en réalité de paraître simple à leurs yeux, suivant leur mode de pensée dépendant de leur condition humaine particulière. Variante de l'idée aboutissant au même effet pratique: la doctrine chrétienne qui affirme que c'est Dieu qui vient à l'homme tandis que l'homme n'a pas à essayer de venir à Dieu (au prétexte qu'il ne le peut pas). De même, des gens de divers milieux (aussi bien chrétiens qu'autre chose - je vais seulement exagérer le vocabulaire pour exprimer l'idée) m'ont fièrement rétorqué dans quelques discussions où j'essayais d'avancer des idées comme ça, que les miracles et autres inspirations divines ont bien évidemment naturellement et exclusivement pour but de prendre un sens subjectivement au médium (la personne témoin ou qui reçoit l'inspiration), pour le bien personnel et égoïste du nombril de son âme, de sa sainteté et de sa vertu, en se moquant pas mal des problèmes du reste du monde et des informations qui pourraient être utiles à autrui, tant que ça ne prend pas un sens spirituel subjectivement au médium récepteur de l'inspiration. Qu'une inspiration ne peut être utile que pour soi-même, et si quelqu'un d'autre en voudrait une qui le concerne lui aussi (pour savoir où trouver son âme soeur par exemple afin de n'être plus réduit à la misère sentimentale et de pouvoir se rendre plus utile à autrui), c'est de sa faute qu'il en a pas reçu car il est aveuglé par son égo (eh oui il y a bien un grand spirituel qui m'a asséné ça, je n'invente pas). Attitude plus ou moins analogue de la part de chrétiens face à cette analyse et au bilan que j'en tire. Une fois entendu ça, quand des chrétiens viennent se targuer d'être le seul rampart au relativisme moral, désormais je me marre !
Problème: qu'est-ce qu'il est gourmand le chrétien ! il veut tout ou rien. Au prétexte que ce n'est pas un pas en avant qui le fera atteindra l'infini au court de sa vie ou dans les minutes suivant sa mort (temps ridiculement petit par rapport à l'âge de l'univers qui ne l'intéresse même pas), et qu'il ne peut admettre aucune alternative au fait d'atteindre Dieu tout de suite, il refusera de faire un pas en avant en faisant l'effort de comprendre la vérité telle qu'elle est et en faisant l'effort de s'y adapter. Est-ce à Dieu de venir à l'homme, et à la vérité de s'adapter aux désirs de l'homme ? ou est-ce à l'esprit de l'homme de s'adapter à la vérité ? De là, la fameuse déraisonnable efficacité des mathématiques en sciences de la nature: par son entrée dans le monde des mathématiques, l'homme se dépouille en quelque sorte des particularismes de sa nature humaine, et devient dès lors bien plus sensible à la compréhension de vérités éloignées de son quotidien.
Examinons en d'autres termes la troisième de ces pseudo-obligations anthropocentriques de la vérité:

Vérité et "sériosité"

Il arrive parfois a la vérité de paraitre aberrante, scandaleuse voire ridicule et pas du tout sérieuse. En effet, les hommes ayant institutionnalisé une certaine conception de la vérité qui "résiste" aux évènements, cette résistance n'est pas toujours fondée sur de bonnes raisons mais plutôt sur sa manière de rejeter, quel qu'en soit le moyen, comme ridicule ou d'une quelconque maniere intenable, toute opinion contraire quand bien même elle ne serait que la pure vérité. (Ou autre méthode: faire en sorte que les meilleures vérités ne puissent venir à l'idée de personne).
Or, quoi de plus apparemment sérieux que ce qui est ennuyeux et rébarbatif ? C'est un critère de vérité beaucoup plus simple et convaincant que tout autre effort de vérification digne de ce nom. Comment, en effet, accuser de négligence vis-à-vis de la vérité ceux qui s'attachent à une vision ennuyeuse et rébarbative du monde ? Par la traditionnelle confusion spiritualiste entre intention et résultat, cette imposture passe comme une lettre à la poste, et aboutit à un cursus scolaire ennuyeux et rébarbatif, qui parvient à donner au monde l'impression de son sérieux et de son attachement a la vérité, mais qui, bien souvent, a cause de cette démarche même, fait en réalité passer les vérités les plus essentielles à la trappe.
Qu'on ne se méprenne pas: je défends le principe d'une démarche de recherche sérieuse et précisement attachée à prendre le plus grand soin à se définir et se vérifier en détails sans se laisser en cela influencer par quelque impression ou autre "jugement moral d'une conception" que ce soit; seulement la conclusion du raisonnement ainsi obtenue peut en fin de compte s'avérer étrange, fascinante, hilarante, scandaleuse etc, sans que ce soit ni un critère ni un but dans la recherche de l'élucidation d'une question donnée.
Ce piège de se contenter de juger les idées à leur seul "sérieux" apparent, qui finalement enferme l'esprit dans un monde rébarbatif, est même ce qui domine la pensée chrétienne, quelles que soient les dénégations de celle-ci. Voici en effet ce qui leur arrive:
Officiellement, les chrétiens mettent en avant les "valeurs" et "vérités" du "coeur" devant celles de la raison. On pourrait alors s'attendre à ce que leurs vérités soient plus palpitantes que celles que la raison peut produire. Cela peut sembler superficiellement le cas dans un premier temps, mais, le coeur étant par nature, contrairement à la raison, incapable de connaitre (par reconstruction) des vérités inaccessibles à sa perception directe, ses découvertes s'en trouvent finalement bien limitées après d'éventuelles avancées initiales (ceci n'est pas pour le rabaisser, car en lui se trouvent les plus grandes satisfactions possibles de la vie, sauf que sa vraie et bonne place est celle de consommateur, non de producteur).
Puis, l'habitude d'interroger exclusivement le coeur sur les questions de vérité au-delà de la perception directe et qui ne sont hélas pas de sa compétence, aboutit à n'obtenir que des conceptions qui semblent sérieuses aux yeux du coeur. Mais, ce qui semble sérieux aux yeux du coeur n'est hélas finalement authentiquement palpitant ni pour le coeur, ni pour la raison, et est donc universellement ennuyeux, en comparaison de ce que la raison pourrait produire (et qui peut être palpitant en apportant de nouveaux défis autant pour la raison que pour le coeur).

Par ailleurs, alors même que les chrétiens et la Bible clament haut et fort la reconnaissance de leur "ridicule" aux yeux du "monde" et des "intelligents", à cause de leur expérience de se voir traités ainsi, ils n'ont en eux-même aucune juste idée de en quoi ils sont effectivement ridicules, car ils se voient eux-mêmes comme parfaitement sérieux, raisonnables et aux idées justes, équilibrées et normales, de sorte qu'ils ne peuvent ainsi même pas profiter eux-mêmes de la rigolade; et restent frileux vis-à-vis des véritables paradoxes et autres éléments de la vie susceptibles de déranger.
Par exemple ils s'attachent au mariage et au rejet de toute question de relation amoureuse hors mariage ni de quelque action dont peut dépendre la rencontre et le choix du futur conjoint, parce que toute réflexion publique, effective (ayant un impact public réel) et approfondie sur l'amour, chose "pas assez sérieuse pour qu'on en parle sérieusement" bien que o combien primordiale dans la vie, effraie leur quête de vérité, qui se conforte dans l'évitement de ce genre de gêne. Et ils réduisent souvent le bien et la vertu à une affaire de labeur et de bonne volonté, supposant que "pour être sérieux" on ne peut guère faire le bien sans sacrifice ou oeuvre de compassion équivalent, au point de parfois perdre de vue l'évaluation du bien réalisé ou réalisable au profit de celle du seul sacrifice consenti ou du bon sentiment investi, seule chose facile à mesurer et à accomplir, qu'ils mettent sur un piedestal tandis que les éventuels moyens plus efficaces qui n'auraient pas besoin de cela passent à la trappe. Plus généralement, bien de leurs travers viennent du fait qu'ils sont incapables d'admettre dans leur vérités officielles bien des paradoxes fondamentaux de la morale et de la théologie pourtant bien réels et palpables (à cause de deux obstacles: d'une part leur bizarreté d'allure "pas sérieuse", d'autre part leur complexité).


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