Bilan de mon passage sur Maurice Radio Libre, lundi 12 mars au soir

On m'avait annoncé en gros que je devais présenter mon programme, dans une émission durant 45 minutes. Je n'ai guère eu le temps de le faire, car c'était très interactif : à peine avais-je énoncé mon premier point (réforme fiscale) que la discussion s'est engluée sur le fait que les gens à la campagne ont de toute manière besoin de voiture pour travailler de sorte que j'étais un cruel vilain à vouloir augmenter le prix du carburant car cela équivaudrait à exterminer dans des chambres à gaz tous ceux qui vivent à la campagne (j'exagère à peine)
Maurice a même avancé le chiffre pour moi : multiplier le prix du carburant par 100, ce qui n'était pas du tout ma pensée: la hausse que je conçois sera d'abord modérée et pas concentrée sur le carburant, en étendant l'assiette de la taxe sur tout le pétrole donc pour affecter d'autres produits pétroliers, à quoi s'ajouteront d'autres taxes environnementales: pollutions, ressources etc. Ainsi ce ne sera bien plus autres choses que le carburant qui sera affecté par cette réforme, comme par exemple les plastiques et les engrais... puis la hausse sera progressive et permettra à de nouvelles technologies de fournir des moyens de transport moins consommateurs de produits pétroliers, encore faut-il qu'existe effectivement une telle incitation fiscale pour rentabiliser l'apparition de ces technologies ! suivant une discussion que j'ai lue dans le forum du Pacte Ecologique.
J'ai essayé d'expliquer qu'il s'agit non de défavoriser une catégorie de la population mais de provoquer un rééquilibrage de l'économie, où une partie des gens qui avaient telle activité changeraient de profession. Maurice a trouvé l'argument totalement inadmissible.
Qu'y puis-je ? Je n'ai fait là que dire la vérité. Avant de m'engueuler pour cela, il aurait fallu songer à engueuler ainsi tout d'abord Nicolas Hulot pour avoir déclaré que la protection de l'environnement ne peut pas se faire par des changements marginaux mais exige de remettre en question tout notre modèle productif et de société.
La vérité c'est que toute consommation de carbone fossile aujourd'hui est une agression envers les génération futures : agression par les sécheresses, la hausse du niveau des mers, les phénomènes climatiques extrêmes, la disparition d'espèces par modifications du climat. De sorte que, quand bien même cette réforme fiscale porterait un grand coup à certaines professions (alors que ce sera aussi bien utile à l'environnement par d'autres moyens, en amenant chaque profession et secteur d'activité à simplement remplacer l'usage d'une chose par celui d'une autre), ce coup serait justifié comme légitime défense de la part des générations futures contre l'agression qui leur est portée par ces professions. Et le but est de rééquilibrer l'économie en réduisant le volume d'activité de cette profession (certains devant changer de métier) jusqu'à ce que son prix de vente s'élève de manière à subvenir aux revenus de ceux qui restent, jusqu'à ce que, espérons, de nouvelles technologies vienne un jour permettre de restaurer l'activité de manière plus respectueuse de l'environnement.
Mais le fait que j'envisage ainsi de détruire certains emplois semble monstrueux et inenvisageable à certains. Mais dans cette affaire c'est eux qui sont rêveurs et irréalistes.
En effet, il faudrait d'abord que les gens arrivent à comprendre que l'emploi ne saurait se concevoir comme une propriété privée. En effet, qu'est-ce qu'un emploi ? C'est le fait de se rendre utile à la société par une activité précise. Or, nul ne peut être propriétaire du fait de se rendre utile à la société par une activité précise, car quoi qu'on en dise, l'utilité de cette activité dépend de la réalité extérieure des conséquences de cette activité, et non d'un quelconque droit acquis. Ensuite, il n'y a pas de progrès sans changement. Si une activité s'avère inutile voire néfaste à la société, il serait criminel de la laisser perdurer. Il y eut une révolution industrielle où les ouvrier se sont révoltés contre l'introduction des machines dans les usines, et ont entrepris de détruire ces machines. Pourtant en réalité, c'est bien au contraire l'arrivée de ces machines qui ont permis globalement aux revenus de monter, par l'augmentation de la productivité du travail.
Ainsi, les gens sont avant tout victimes de leur propre conservatisme idéologique : ils ne peuvent pas accepter de perdre un emploi, parce qu'ils ne peuvent pas comprendre l'idée que cela leur ouvre des opportunités de meilleurs emplois en échange. Les gens savent voir les emplois perdus, mais ils ne savent pas voir les créations d'emploi par ailleurs. En effet, l'idée d'un emploi autre que celui qu'ils ont actuellement est une idée bien trop abstraite, obscure et donc irréaliste pour eux; parce que d'après eux (comme ce qu'ont avancé Maurice et une auditrice si je me souviens bien) ils n'ont aucune possibilité de faire autrement. Et j'aurais beau leur expliquer en quoi mon programme politique favorisera la création d'emplois, ce sont des choses qu'ils ne peuvent admettre, parce qu'ils ne peuvent pas le comprendre.
Pourtant, bien des gens qui ont réfléchi à la nécessaire transition énergétique et environnementale, ont conclu qu'elle sera fortement créatrice d'emplois.
Et non seulement cela, mais les spécificités de mon programme favoriseront encore plus la création d'emplois: débureaucratisation, dérèglementations (toutes les containtes réglementaires sur le travail et la production, et les obligations de passer une grande partie de son temps de travail à remplir des formulaires, étant en grande partie responsables du manque d'activités et d'emplois), détaxation du travail et de l'entreprise afin d'en permettre un essor pleinement libre, en attirant les capitaux de l'étranger et donc l'investissement. Encore une chose que bien des gens sont incapables de concevoir. Est-ce de ma faute ?
Je rappellerai encore en quoi cela favorisera la vie économique des campagnes : la taxation des engrais et pesticides amènera à généraliser le bio, entraînant une réduction de la productivité par unité de surface (et une augmentation des emplois par volume produit), tandis que la taxe carbone augmentant le coût du transport international de marchandises (à quoi peuvent éventuellement s'ajouter des sanctions douanières à des producteurs hors UE sur critères environnementaux) réduira la possibilité de compenser cela par des importations de l'extérieur de l'UE. Cela, avec ma proposition de généraliser la vente directe en ligne des produits agricoles des producteurs aux consommateurs, maintiendront des prix élevés des produits agricoles, permettant aux producteurs de mieux vivre.
Toutes ces choses, je n'aurais pas eu le dixième du temps nécessaire pour les expliquer, étant donnés le rythme des répliques qu'exigeait le format de l'émission.

Voici mon deuxième point que j'ai abordé et sur lequel je me suis également fait descendre:
J'ai annoncé une forte réduction des dépenses publiques. On m'a demandé comment, ne pouvant pas parler de tout j'ai parlé du moyen original qui constitue une autre partie intéressante de mon programme: ma méthode de réduction des dépenses d'éducation tout en en maintenant la quasi-gratuité et en augmentant sa qualité. A savoir, le fait de filmer les cours et les mettre à disposition sur internet, permettant à chacun d'accéder à domicile à tous les meilleurs cours qui existent, et en plus à son rythme et suivant ses besoins... Alors on m'a descendu en me reprochant d'enclencher ainsi de nouvelles dépenses considérables bien loin de mon objectif de dépenses publiques. En effet, une auditrice a appelé et m'a d'abord traité de "rêveur" complètement déconnecté des réalités. Je lui ai demandé d'expliquer pourquoi. Elle a répondu ainsi : considérez l'exemple d'une famille avec 5 enfants. Cela l'obligerait à acheter un ordinateur par enfant ! Ce serait, d'après elle, un surcoût considérable. Est-ce que je propose de financer par l'Etat un tel achat d'un ordinateur par enfant ? Et où trouverais-je l'argent ? J'ai essayé de répondre que les technologies ne coûtent pas cher, et que de plus leur prix diminue régulièrement. Qu'on pourrait soit leur offrir à la maison, soit les mettre à disposition dans des salles d'études.  On m'a répondu : oui mais ça prendra beaucoup de temps pour que les coûts baissent, or nous discutons ici de la réalité de ce qui serait applicable au cours de ce mandat de 5 ans ! Il n'y aurait pas le temps d'attendre une telle baisse du prix des technologies.
J'ai essayé de signaler que cette idée de réforme éducative n'était pas une simple lubie de ma part car d'autres indépendamment y ont pensé et l'ont trouvé superbe...

Voilà tout ce qu'il était possible de s'expliquer dans ce format d'émission interactive, où contrairement à mon habitude je ne suis pas là pour faire un monologue de mes rêves mais où je dois me prêter à la réalité du dialogue, des échanges, au contradictions avec les gens confrontés à la réalité de la vie. Ainsi est-il établi que je suis un rêveur déconnecté du réel, parce qu'en guise de réduction des dépenses publiques je propose des mesures qui représentent un surcoût considérable qu'il est irréaliste de financer. L'auditrice a donc conclu, aucun sans conteste de la part de Maurice, qu'elle ne souhaitait pas que j'obtienne mes parrainages. Je suis donc une sous-merde, indigne de porter ma candidature aux présidentielles.

Mais, de quelle réalité parlons-nous ?
Eh bien, c'est moi qui vais maintenant ici rappeler à la réalité les gens qui, partageant cet avis de Maurice et de l'auditrice, me considèrent comme un misérable "rêveur" déconnecté.
Commençons par consulter la référence chiffrée officielle du coût annuel de l'éducation dans le système actuel, en dépense moyenne par élève:
Collège : 7710 euros
Lycée général et technologique : 10 140 euros
Classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE): 13 560 euros
Universités (hors IUT) : 7 210 euros

Ce sont des chiffres que les gens n'ont pas forcément à l'esprit, parce que l'éducation est officiellement gratuite, payée par les contribuables donc par tous, mais d'une manière cachée. Et donc dès qu'on veut parler de financer autre chose (des ordinateurs par exemple), les gens sont affolés à l'idée que ce serait un surcoût considérable.
Mais c'est en fait parce que le système de "gratuité" actuel fait vivre les gens dans un rêve, à côté du réel.

Donc, comparons les coûts:
D'une part, puisque d'après cette auditrice il faut absolument considérer le cas d'une famille de 5 enfants. Et bien donc pour cette famille je ne vois pas comment elle peut décemment se débrouiller et prétendre préparer ses enfants au monde réel, sans avoir déjà au moins 2 ordinateurs à la maison, même en l'absence des réformes que je propose. Ensuite, ces 5 enfants n'ont sans doute pas tous le même âge, de sorte que ma proposition qui vise à s'appliquer principalement et de manière optionnelle aux lycéens et étudiants qui en ont besoin, ne concernera en fait qu'au plus 2 ou 3 d'entre eux, offrant ainsi une manière de mieux amortir leurs ordinateurs existants en les utilisant pendant la journée (les horaires de cours) (à moins qu'on fasse cela par une mise à disposition d'ordinateurs ou de salles de projections de cours dans les locaux scolaires ou universitaires) tandis que le soir le partage d'usage des ordinateurs à la maison sera inchangé. Et puis, bon sang, avec ce mode d'organisation plus efficace du cursus, où chacun pourra apprendre à son rythme exactement ce dont il a besoin, par les meilleurs cours, sans avoir besoin de perdre l'essentiel de son temps à recopier le tableau sur le cahier sans réfléchir, il n'y aura à passer sa vie à étudier ainsi ! donc tout au plus 4 ordinateurs suffiront à la famille. Tout au plus, cela obligera donc à acheter 2 ordinateurs supplémentaires. Et alors, est-ce une mauvaise chose ? Ne serait-il pas complètement rêveur irréaliste de considérer que l'on puisse décemment former les jeunes à la réalité de l'avenir et du monde du travail, sans qu'ils soient familiarisés à l'usage des ordinateurs et d'internet chez eux ?
Enfin, rappelons qu'un ordinateur acheté peut fonctionner plusieurs années (il faut diviser le prix d'achat par le nombre d'années d'utilisation pour avoir le coût annuel), et qu'une connexion ADSL étant un forfait, cela ne coûte pas plus cher de l'utiliser aussi pendant la journée.
Bilan :
Par cette réforme, le coût annuel de formation par élève concerné (pas tous en même temps, afin que l'expérience se mette en place sans trop d'erreurs et que la diminution de l'emploi des professeurs soit progressive) passera d'environ 10 000 euros, à environ 200 à 300 euros d'achat d'ordinateurs et de connexion internet. Est-ce cela que les gens appellent un surcoût considérable ? Sur quelle planète habitent-ils ?

Ah oui il faut aussi compter le coût de production des cours vidéo (ou écrits) ?
D'abord, bien des documents de cours à disposition gratuite sur le web existent déjà. Il suffirait de les répertorier, de les évaluer, de les améliorer et de les compléter. Ensuite, si on veut parler non seulement de cours écrits mais aussi de cours vidéo, eh bien d'une part tant de simples gens ayant déjà une caméra numérique personnelle, je ne vois pas en quoi mettre une caméra dans chaque salle de classe pourrait être vu comme un coût considérable. Ensuite, il n'y a même pas besoin d'en mettre dans toutes les classes puisque de larges économies d'échelle sont possibles : chaque cours n'a besoin d'être produit qu'une seule fois par les meilleurs professeurs pour en faire profiter l'ensemble de la population tout le temps, au lieu qu'il soit comme aujourd'hui répété dans chaque ville de France et à chaque classe chaque année. C'est donc au bilan un coût encore bien plus négligeable que celui de fournir à un ordinateur à chaque élève.

Bien sûr, il reste les questions de l'interactivité, du suivi de l'apprentissage et de la socialisation (sur lesquelles Maurice ne m'a même pas interrogé).
- Concernant la socialisation, rappelons qu'elle est parfois très négative, du type séances de persécutions des élèves sages par des élèves violents. Permettre aux élèves qui se sentent mal en classe d'y échapper en s'instruisant de chez eux, dans la mesure où l'établissement scolaire n'aurait pas été en mesure de régler les problèmes de discipline (bien sûr il serait préférable qu'il en soit autrement, mais ce serait un rêve totalement utopique de prétendre qu'on y arrivera partout de manière satisfaisante), serait un grand soulagement pour eux. Cela n'empêche pas les jeunes de se rencontrer par ailleurs pour se faire des amis, et même parfois de meilleurs amis qu'avec  les répartitions arbitraires en classes qui se font actuellement (les possibilités de prises de contact en vue de rencontres diverses à l'aide internet étant sans limites et en travaillant un peu sur son fonctionnement les dangers en seront vite écartés), et ce, pour un coût considérablement moindre
- L'interactivité et le suivi de l'apprentissage: ils sont de toute manière actuellement très mauvais tout en représentant de toute manière un coût négligeable par rapport au coût total actuel. En effet, pendant qu'un professeur s'occupe d'un élève, il ne s'occupe pas des autres, lesquels pourraient aussi bien suivre l'évènement en différé sur une vidéo pour en tirer le même profit. Et le fait de s'occuper des élèves particuliers, prend au total moins de temps que le reste du cours, lequel doit de toute manière être en grande partie magistral pour mieux profiter à tous, donc aussi bien convertible en vidéo qu'on peut produire une fois pour toutes, avec un coût négligeable par élève. Enfin, voir ci-dessus l'argumentaire sur l'enseignement supérieur.
- Bon, la principale partie du travail du professeur qui ne serait pas quasiment annulable par ce genre de méthode, est la correction des copies. Est-ce si instructif pour l'élève que cela ?

Enfin, à la question : que faire alors de tous les professeurs ? je réponds d'abord comme ci-dessus: il serait rêveur irréaliste de placer le droit de chacun (même professeur) à garder son emploi, devant la question de l'utilité réelle d'un travail donné. Ensuite, que la réforme sera de toute manière progressive (optionnelle de la part des élèves suivant l'accord des parents et profs par exemple), comme un moyen de désengorger les classes, de donner aux professeurs plus de temps pour préparer leurs cours et donc d'en faire de meilleurs, de sélectionner les meilleurs professeurs et inviter les autres à servir la société d'une autre manière, et pour les universitaires, de laisser plus de temps au travail de recherche.

Ainsi, je n'ai fait que dire la vérité en mentionnant ce principe d'une grande réforme du système éducatif qui en améliorerait la qualité tout en en réduisant nettement les coûts, et je me suis fait ridiculiser pour cela.
C'est donc que nombre de Français (surtout ceux qui animent les média et les auditeurs qui prennent la parole dans les émissions) trouvent la vérité ridicule, et ne veulent vraiment pas faire valider les candidatures des gens qui la disent, qu'ils traitent de total rêveurs déconnectés du réel. Qu'y puis-je ?
Ils préfèrent donc avoir des politiciens menteurs du genre à être toujours en mesure d'"avoir la réplique" plutôt que de dire la vérité moins facile à défendre.
Et avec ça il vont se plaindre que la classe politique est corrompue.
Ils n'ont en fait que les hommes politiques qu'ils ont voulu.

Bon, allez, un petit compliment à Maurice tout de même: au moins, c'est le premier à m'avoir invité à une émission radio pour plus de 10 minutes. S'il est criticable, les autres médias seraient plutôt pires de ne m'avoir pas invité du tout (à moins qu'ils aient seulement oublié ?).
Tout cela (avec le fait que l'article qui est paru sur moi dans la presse havraise en décembre 2006 comportait de grosses erreurs) n'est pas pour me donner une impression favorable des médias classiques dans leur ensemble.


Retours : argumentaire programme politique - sommaire